2016 – Sylvain Billon Interview Part 3/4

On continue cette découverte de cette passionnante saga MBK au travers de Sylvain Billon.

OSBMXF : Qui était responsable du design des tenues, des cadres, modèles, géométries et autres ? Les pilotes étaient-ils impliqués ? Pour le free José Delgado m’a raconté pour le proto. Avant ils roulaient sur des vélos américains maquillés…

Concernant le design des tenues je m’en suis chargé qu’à partir des dernières tenues bleu/blanc/rouge, ainsi que les fluos rose/vert/noir. Je les avais dessinées et conçu avec la collaboration des équipementiers. Ensuite, il me fallait passer par le directeur marketing qui approuvait ou pas mon choix… Mais en principe il suivait mes idées sur ces points-là. Pour les premières tenues c’était bien souvent des fournisseurs qui venaient présenter des prototypes au directeur des achats qui lui-même venait les proposer au directeur marketing. D’autre part, c’est moi qui avait créé le logo « Racers Concept ». Pour les cadres c’est une autre histoire. Tout se décidait à l’usine de Saint Quentin au service des vélos spéciaux. Ce n’était pas simple d’obtenir ce que nous désirions, il y avait une sorte de rivalité entre le commercial/marketing qui se trouvait à Pantin et les « gens » de Saint Quentin. Pendant la période où nous avions Jean-Michel Basset comme directeur général les choses étaient plus faciles puisque ce que nous demandions, nous l’obtenions. Après son départ ce fut plus compliqué. Pour créer le MX400 et ensuite le MX500 les pilotes et moi-même avions apportés des idées au niveau de la forme et de la géométrie. Pendant une période Jean-François Lalli, Stéphane Collet et Edouard Cordier avaient été embauché à l’usine de Saint Quentin et pouvaient apporter quelques conseils au bureau d’études et tester des prototypes.

Un protoype MBK des Mad Dogs et la fameuse tenue fluo. Photo O. Weidemann - Béton Hurlant 2012 - Musée du Sport de Paris
Un prototype freestyle MBK des Mad Dogs, la fameuse tenue MBK fluo et José Delgado en arrière plan – Expo Béton Hurlant 2012 – Photo O. Weidemann

Par ailleurs, notre bureau d’études possédait grand nombre de BMX de marques étrangères pour étudier les modèles et éventuellement s’en inspirer. Il est vrai que les Mad Dogs ont eu quelques semaines des cadres BMX qui n’avaient pas été fabriqué chez nous, le temps de remédier aux différents problèmes de tenues que nous rencontrions avec les protos réalisés au service des vélos spéciaux. Mais cela n’a pas duré longtemps.

En tant que chef de produit bicross, c’est moi qui proposais l’équipement des MX400 et MX500, sachant qu’il nous fallait rester dans un prix de vente inférieur au BMX de marques américaines fabriqués en Chine ! Autre chose… Est-ce que José t’a raconté le tournage du film publicitaire pour la pub TV des « Whites et des Chromes ». Nous avions passé trois jours en bord de mer en Normandie et en studio en région parisienne. Je ne me souviens plus trop des garçons qui participaient à ce film, mais José devrait s’en souvenir…

OSBMXF : Et ce fameux Crazy Bike ? Une idée à toi ?
SB: Le Crazy Bike était une idée commune de moi-même et de Jean Bidalot, l’ingénieur MBK qui s’occupait des cyclomoteurs et qui avait conçu la 51 de compétition. Jean et moi étions un peu à part chez MBK, jamais à court d’idées. Il a fini par quitter MBK pour monter sa propre marque d’ailleurs.

Le Crazy Bike d’Olivier Varma (Florent Ferrari (filmaker & post prod) / Olivier Varma (concept, art director & bus passenger) / Julien Pipier (rider)

OSBMXF : T’es-tu occupé d’autres teams ou seulement MBK ? Aviez-vous des co-sponsors ? Qu’as-tu fait une fois que cette aventure s’est terminée ?
BXM02 - Oct 82 - Pub Buffalo SylvainSB: En 81, j’avais équipé des jeunes de Vaux le pénil en tenues « Buffalo »qui était une marque de bicross que j’équipais à la demande du client sur une base de cadre Tange que je faisais émailler par un artisan dans des couleurs dégradées et métallisées. Dès l’instant où j’ai pris contact avec Motobécane en septembre 81, je suis resté fidèle à la marque. Nous avons eu les jeans Loïs comme co-sponsor en 82 pour le Trophée Motobécane/Loïs. Ensuite pas d’autre partenaire.
BXM02 - Octobre 1982 - Trophee Motobecane
L’aventure bicross s’est terminée pour moi en 87. Nous pensions déjà au « Mountain Bike ». A cette époque MBK allait subir un deuxième plan social et Yamaha qui avait déjà des parts dans le groupe est devenu actionnaire majoritaire et a proposé un plan de licenciement à tous niveaux et services. Au service marketing nous étions 6 personnes, le directeur, un chef de produit cyclo/scooter, une chef de produit bicyclettes, deux secrétaires et moi chef de produit vélo-tout terrain. BXM14 - Nov 83 - Pub Stage Le RouretIl fallait une personne de moins dans ce service et ce fut moi qui a été désigné par mon directeur marketing pour faire partie de la charrette. Il faut dire qu’après Bercy 84 mon directeur général Jean-Michel Basset « m’avait à la bonne », son fils de 13 ans faisait du BMX et participait à mes stages du Rouret !  Cela a fait des jaloux, et lorsque monsieur Basset a quitté MBK en 86 , remplacé par un nouveau directeur, certains s’en sont donnés à cœur joie pour me descendre , dont mon chef de service. Cela doit être souvent comme çà dans les grands groupes.

Toutefois la nouvelle de mon licenciement n’est pas passée inaperçue dans le réseau de concessionnaires. Le président de l’association des concessionnaires MBK a écrit à la nouvelle direction du groupe pour demander ma réintégration dans l’entreprise. J’ai personnellement reçu beaucoup de messages de soutien de la part des concessionnaires. J’avais contribué au rajeunissement de la marque Motobécane et ils m’en étaient reconnaissants. Ils ne comprenaient pas pourquoi j’étais licencié.

Peu de temps après celui-là même que je soupçonnais avoir provoqué mon licenciement me convoquait afin de me faire une proposition. Mon licenciement ayant été accepté par l’inspection du travail, ils ne pouvaient plus me réintégrer dans l’effectif de la société, aussi m’ont-ils proposé un poste de consultant extérieur. Ils m’ont dit : «  voilà vous nous coûtiez à l’année, en salaire, charges et frais de déplacements la somme de tant, nous vous proposons le même montant augmenté de 10% avec un contrat de deux ans renouvelable et avec pour objectifs de prendre en charge le développement du VTT au sein de réseau MBK et de monter un team VTT capable des mêmes résultats obtenus en BMX ». De plus nous mettons à votre disposition un bureau avec une ligne téléphonique. Ils me laissaient par ailleurs la possibilité de monter des opérations promotionnelles, évènementielles, ou sportives à titre personnel sans que pour autant cela fasse concurrence à MBK. C’est à ce moment-là que j’ai créé la société STARBIKE.
Je suis donc devenu directeur sportif du premier team MBK de VTT et je suis allé chercher les meilleurs cyclocrossmen français de l’époque pour constituer une équipe d’une dizaine de coureurs. GammeMBK1987 Je ne donnerais pas de nom car je pense que très peu de membres de la BMX Old School ont connu ces garçons. Nous avons tout remporté. Championnat de France, Roc d’Azur, les plus grandes courses européennes et championnat du Monde.  J’ai dirigé le team MBK VTT pendant 3 ans. Ensuite la direction marketing du groupe a confié ce poste à un ancien coureur cycliste professionnel qui avait toujours couru sous les couleurs Motobécane/MBK, Alain Bondu. Il ne restera qu’une saison à la tête de l’équipe.

De mon côté, avec ma société Star Bike je me suis lancé dans des actions de promotions publicitaires pour lesquelles je fournissais des BMX, VTT ou patinettes. J’ai ainsi vendu pour Coca-cola 500 patinettes, pour le beurre Président 3000 BMX. Pour MBK j’ai créé et dessiné un modèle de sac à dos que j’ai fait fabriquer à Taïwan. Ce sac à dos MBK m’en a acheté 52000 pour offrir à tout acheteur d’un vélo au Noël 88 ! Ce sac à dos avait été décliné en 2 couleurs, blanc et vert olive avec des petits personnages en BMX et VTT que j’avais moi-même crée. Beaucoup doivent se souvenir de ces sacs. J’en possède encore quelques dizaines dans mon sous-sol.
En 87 j’ai également crée l’association Française de Patinette et Roller-Scoot ! Je croyais très fort à ce produit que MBK avait décidé de ne pas promouvoir après une apparition lBXM51-Decembre1986-PubFunscootors du Bicross de Bercy 86. J’ai organisé des animations à « droite et à gauche » pour des municipalités ou des concessionnaires. Je mettais à disposition des jeunes un parc de 15 patinettes, ayant préalablement réalisé un parcours balisé par des bottes de paille MBK .
« Mais les pionniers ont toujours tort… d’avoir raison trop tôt ». Vingt après on a vu que la patinette était revenue à la mode avec un marché très florissant .
Par ailleurs, j’employais les Mad Dogs et des skaters (dont Pierre André Sénizergue et José De Matos) pour des animations ponctuelles pour des salons et expositions.

A partir de 1987 j’ai commencé à organiser des épreuves de VTT. Les plus connues ayant été les « 24 heures du Rouret » , une épreuve d’endurance par équipe de trois en Ardèche, le « Rallye de la Vallée des Roys », une épreuve touristico/sportive sur deux jours  à Amboise, la « Corsica Bike » un raid extrême en orientation de cinq jours au travers de la Corse. C’était l’incontournable rendez-vous de l’extrême, celui des bikers passionnés, qui faisait vibrer les corps et rêver les esprits. Il y a eu également le « Rallye des 30 Dynasties » un raid avec road-book de 15 jours en Egypte. De 1988 à 1992 j’ai collaboré à l’organisation du Rallye auto/moto des Pharaons. Je m’occupais des relations extérieures, et prenais en charge les invités sur le rallye.

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Sylvain et son maillot Motobécane à la soirée Béton Hurlant – Avril 2012 – Photo C. Van Hanja

Après la guerre du Golfe j’ai rencontré des difficultés financières par manque de sponsors et en 93 j’ai dû déposer le bilan de ma société. (J’ai continué sous forme d’association à organiser la Corsica Bike jusqu’en 98). Après la cessation de mon activité commerciale, j’aurais certainement  pu trouver un job dans le milieu du cycle mais je n’ai pas vraiment cherché, j’étais quelque peu désabusé, j’avais investi et perdu beaucoup d’argent personnel et mon épouse ne voulait plus entendre parler de vélo ! Il faut dire que pendant plus de 10 ans elle ne me voyait pas beaucoup à la maison et je n’ai pas vu grandir mes enfants. C’est alors qu’un ancien collègue avec qui j’avais travaillé 13 ans auparavant dans une entreprise de constructions métalliques a pris connaissance de mes problèmes et m’a fait savoir que son entreprise recherchait un dessinateur Projeteur-Métreur et que si j’étais intéressé le poste était pour moi. J’ai donc accepté et repris 13 ans après mon premier métier. Je suis resté dans cette entreprise jusqu’à ma retraite en juillet 2014. Après la dernière édition de la Corsica Bike en Août 98 j’ai coupé tout contact avec le milieu du cycle en général. Ce n’est qu’en 2012 que j’ai découvert le site OSBMXF et retrouvé des amis de « l’époque ».

OSBMXF : Le BMX aux JO. Qu’en penses-tu ? Il n’y a que la race pour le moment, mais c’est toujours bien d’avoir du BMX au JO ?
SB: Le BMX aux J.O. j’ai pu suivre les épreuves de Londres 2012. Il est normal qu’il fasse partie des disciplines inscrites aux Jeux. Pour le freestyle pourquoi pas si l’on trouve des juges compétents pour noter les riders, ainsi qu’un règlement qui satisfasse tout le monde.

OSBMXF : Suis-tu encore l’activité du BMX ? Si oui, des riders en particulier ?
SB: Je suis l’activité du BMX par le biais du site OSBMXF uniquement. Mes 3 petits fils sont encore trop jeunes pour pratiquer et je ne sais pas s’ils s’y intéresseront un jour. J’ai encore dans mon garage 4 BMX dont un GT de 83, 2 Buffalo de 82 et un mini MBK qui est un prototype réalisé en 84 par le service des vélos spéciaux MBK à Saint Quentin. Ce BMX était destiné à mon fils qui avait 5 ans à l’époque.

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Soirée Béton Hurlant – Avril 2012 – Photo C. Van Hanja

OSBMXF : Que penses-tu de nos petits rassemblements oldschool comme en organisent pas mal de gens actuellement. On a été ravi de déjà t’y voir, avec ton super blouson MBK Team Manager (Il est top, garde le précieusement). Toujours partant ? Que ressens-tu quand tu revois tous ces pilotes dont tu t’occupais ?
SB: Ces rassemblements « oldschool » sont très bien, mais il ne faut pas qu’il y en ait plus d’un par an, et il me semble avoir constaté qu’effectivement il y en a plusieurs d’organisés dans l’année. Personnellement je pense qu’il vaudrait mieux en organiser un tous les deux ans afin d’en faire un évènement tel que celui de Cavaillon ( encore félicitations à Christophe Vico pour cette organisation).

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Oldschool Cavaillon 2013 – Photo Fabrice Passarelli

Il faut que nous ayons plaisir à nous retrouver pour évoquer le passé et notre présent, mais si c’est pour se revoir tous les quatre matins il n’y a plus d’intérêt. Seb et toi devriez trancher en choisissant le lieu et la date de cette rencontre et ne pas permettre une manifestation qui ne rassemblerait pas un minimum de personnes vraiment issues de la Old School. J’espère que tu as compris ce que je voulais dire.
(NDLR: Oui Sylvain, mais chacun est libre d’organiser ce qu’il veut, on a le monopole de rien du tout et on encourage toutes les initiatives, mais trop de OS tue le OS, ça c’est sûr)
Quant au fait de retrouver mes anciens pilotes, et mêmes les autres, cela me fait un énorme plaisir et naturellement me rappelle les bons moments passés ensemble. Je suis heureux de constater que la plus part d’entre eux ont réussi dans leur vie professionnelle. Je les revois alors qu’ils n’avaient que 14 ou 16 ans.

Ed Cordier / Claude Vuillemot - Cavaillon 2013 - Photo Jean-Paul_Jamet
Ed Cordier / Claude Vuillemot – Cavaillon 2013 – Photo Jean-Paul Jamet

J’ai du mal à admettre que plus de 30 années sont passées par là et que finalement moi aussi j’ai vieilli.

Je suis heureux de voir que mon ami Edouard est resté celui qu’il était à l’époque…toujours aussi apprécié de la communauté BMX. Heureux également de constater que Claude reste sportivement, le meilleur d’entre eux.

Pour une prochaine rencontre il faudrait faire en sorte que Jean-Luc (Ferré) fasse le déplacement. Cela nous ferait autant plaisir, si ce n’est plus, que d’avoir une ancienne gloire US . A méditer !

—— A suivre ici : http://oldschoolbmxfrance.com/2016/04/04/2016-sylvain-billon-interview-part-44/ ——

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